"UBIQUITÉS"
Une obsolescence déprogrammée
O'clock… Six lettres, une apostrophe et un nombre incalculable de styles qui ont marqué à jamais l'histoire du graffiti français. Pendant près d'une décennie, O'clock a exploré les recoins de paris et bien au-delà. Rues, toits, tunnels, métros, trains, camions, voies ferrées, autoroutes… Avec un insatiable appétit, il a apposé sa marque sur tous les supports se trouvant sur son chemin.
Pour l'exposition "Ubiquités", l'homme aux mille alphabets nous livre son regard sur une discipline qui va bien au-delà d'une esthétique figée. À mi-chemin entre peinture et sculpture, il se concentre sur l'observation et le marquage de la ville telle qu'il a pu l'expérimenter durant ses années d'activisme.
Inexistant sur le florissant marché de l'art urbain, O'clock a accepté l'invitation de l'association Art Azoï et du galeriste David Bloch à investir l'espace Confluence. Un lieu de création artistique situé au coeur du XXe arrondissement de Paris, bien plus cohérent à ses yeux qu'une galerie d'art contemporain pour présenter sa vision du graffiti. Après treize jours de travail intensif à Marrakech, il présente ici six pièces originales, fruit d'une longue réflexion sur la façon d'illustrer sa pratique : marquer toutes les surfaces de la ville en s'immisçant dans ses moindres recoins.
"C'est David Bloch qui m'a proposé de préparer l'exposition au Maroc. Depuis de nombreuses années, il expose là-bas différents artistes issus du graffiti et a l'habitude de travailler avec des artisans locaux. Fidèle à l'état d'esprit propre au graffiti, tout à été réalisé dans l'urgence, la collecte des éléments comme leur assemblage. Deux semaines sur les chapeaux de roues. Le challenge consistait à trouver sur place des matériaux qui évoquent Paris et son urbanisme. Cela fait une dizaine d'années que j'ai cette idée de travailler à partir d'assemblages. En tant que writer, je vois la ville comme une grande toile, avec un grain à chaque fois différent en fonction des matières auxquelles je dois m'adapter. Les divers éléments récoltés ici et là illustrent les supports du graffiti, ils sont des échantillons que j'ai ensuite samplés à la manière d'un DJ."
Ici, O'clock mêle le métal avec le bois, le verre ou le ciment pour obtenir un ensemble dynamique, riche et cohérent. En rassemblant des éléments récupérés dans la rue, il évoque la variété des supports que lui offre le paysage urbain. Morceau de palissade, portière de camion, ballast, store, grille, enseigne… Autant de matières destinées à recueillir sa signature.
"L'idée est d'illustrer les différentes manières de marquer la ville, la façon avec laquelle je m'adapte aux multiples surfaces en cherchant le medium qui convient le mieux. Je ne cherche pas à montrer l'esthétique du graffiti, mais plutôt à évoquer tout ce qu'il y a derrière. La préparation en amont, l'étude des lieux, l'intrusion, les techniques, les outils, les supports… Le tag est l'aboutissement d'un long processus de réflexion et d'expérience, l'addition de plusieurs paramètres qu'il a fallu conjuguer les uns avec les autres pour obtenir un résultat qui s'opère en quelques secondes. C'est toute cette partie immergée de l'iceberg que j'essaye de mettre en lumière dans cette exposition."
Ainsi, chacune de ses œuvres représente une nomenclature du graffiti. Un cahier des charges qui spécifie la relation entre l'outil et le support. Sa signature hybride court sur les différents matériaux, reproduite par fragments, apparaissant en anamorphose. Elle se révèle en réaction à la surface sur laquelle elle s'applique. Exploration, artisanat, chimie, le travail d'O'clock ne se résume pas au geste, mais à la somme d'expériences acquises durant des années de vandalisme artistique.
Pour l'occasion, Art Azoï a édité un catalogue de 36 pages en série limitée à 150 exemplaires numérotés et signés par l'artiste.
Photographies : Cristobal Diaz & Nicolas Gzeley
Texte : Nicolas Gzeley